Rien de nouveau dans cet article, mais il faut parfois rappeler ce genre de points élémentaires.
note : comme d'hab, j'écris mes articles à l'arrache, celui-ci a donc été remanié une paire de fois dans les jours qui ont suivi sa publication
Yggtorrent a réussi à constituer une base d'oeuvres conséquente, même si pas formidable.
A moins d'avoir déjà fait son nid au sein d'autres trackers à accès restreint, un internaute aura du mal à lui trouver une alternative, et il est probable qu'YGG soit l'unique source disponible pour certains contenus.
Sauf que voilà, le ratio, si on fait pas gaffe, on se retrouve vite à être en dessous de la limite ce qui a pour conséquence d'avoir un compte bloqué. Le pire, et c'est que souhaite rappeler cet article, c'est que si vous galérez à le maintenir, c'est tout à fait normal...
Si sur Internet, nous sommes tous des pairs, égaux et indifférenciés, le ratio matérialise au contraire les inégalités, cela car il favorise surtout les connexions très haut débit, au détriment de ceux qui n'en ont pas. Donc de fait, le ratio défavorise les personnes résidant en «zone blanche», ou qui ne souscrivent pas à une offre de type «seedbox». Notons que dans un réseau pair-à-pair, le concept de seedbox est absurde, puisqu'il rajoute un intermédiaire. En plus, la seedbox ne vous profite pas directement, car vous êtes toujours limités par le débit du tuyau qui relie la seedbox à chez vous. À quoi bon télécharger par BitTorrent, si c'est pour ensuite télécharger par HTTP ?
Alors que la fibre optique peut facilement émettre (uploader) à 5Mo/sec, l'aDSL dans les meilleures conditions ne pourra émettre qu'à 1Mo/sec. Pour la plupart des gens qui ne sont pas en grande ville, ce sera peut-être 10 fois moins ou 20 fois moins (il y a encore des offres rurales qui proposent du 512kbits/sec en descendant, et du 128 kbits/sec en montant). Ces différences de situations géographiques et techniques ont des conséquences sur l'usage que l'on peut avoir du site, qui peut être serein, ou galère.
Je prends mon propre exemple, j'ai une connexion de type fibre optique. Et bien, je peux chopper quelques oeuvres, attendre quelques semaines à les laisser en partage, puis cesser de partager : j'aurai certainement déjà rattrapé mon ratio. En gros, ça ne m'a demandé que très peu d'efforts. Et si je reste en partage plus longtemps, ça gonflera mon ratio, mais en faisant ça, je minimise les chances à d'autres personnes qui voudraient elles aussi rattraper leur ratio en uploadant à leur tour. Les personnes ayant les ratios les plus haut sont donc aussi les plus gros «rafleurs», et pas nécessairelement les meilleurs «partageurs». Il est tentant de se prếter au jeu juste pour faire péter le score, mais il serait plus pertinent d'un point de vue partage de se concentrer sur le partage des fichiers «rares», plutôt que sur les fichiers «très demandés actuellement».
A partir de là, quand on est pas dotés d'une connexion à suffisamment bon débit, il faut se prendre la tête, et élaborer des stratégies de téléchargement et partage. Il ne s'agit donc plus de partager les oeuvres qu'on aime, mais de faire des calculs de rentabilité de ratio...
Le ratio pénalise non seulement les connexions à faible débit, mais aussi les derniers arrivants. Les dynamiques de partage sont en fait plus compliquées, mais ce point reste plutôt valable. Alors que l'idée de partage suppose une idée de convivialité, elle prend une tournure de compétition lorsqu'il s'agit de ramasser la mise avant les autres. Et que fait-on pour être le premier arrivé ? Et bien il faut être uploadeur, et avoir de nouveaux contenus à proposer. Sauf que pour être uploadeur, c'est mieux de posséder un minimum de connaissances techniques sur l'encodage de video, sinon on fait du brin (poids des fichiers hallucinants, image de mauvaise qualité...), et il faut aussi trouver ces nouveaux contenus, ce qui n'est pas forcément évident. La mise à disposition de nouveaux contenus est une fonction essentielle, mais reste assez spécifique. Si vous allez souvent en médiathèque et empruntez des trucs, pourquoi pas. Le fait qu'une dimension temporelle intervienne et que les premiers servis soient stratégiquement les mieux placés pour augmenter leur ratio renforce l'impression que si l'on arrive tôt sur un torrent, alors on en forcément en train d'en pigeonner d'autres derrières, qui vont peut être se retrouver à court de ratio, et sans doute abandonner le tracker faute de ne pas avoir réussi à le maintenir.
Enfin, rappelons que l'existence de sites comme The Pirate Bay, qui fonctionnent sans système de ratio depuis plus d'une dizaine d'années, n'ont pas à faire leur preuve : bien qu'il y ait absence de ratio, les fichiers sont partagés durant de longues années. Cela devrait prouver que le ratio n'a aucun effet bénéfique notable sur le réseau et le partage.
Alors si le ratio est si mauvais, pourquoi y'en a quand même ? Il y a deux raisons. - ses défenseurs pensent que le réseau fonctionnera mieux s'il y a un ratio car cela obligera les gens à partager. Cela est faux, comme on vient de le dire avec The Pirate Bay. Un réseau de téléchargement ne fonctionne pas s'il n'y a pas de partage, et c'est une raison suffisante pour partager. Certains trackers qui utilisent le ratio sont un peu plus sympas, et font des petits cadeaux qui permettent de le remonter facilement. Le ratio est conservé pour son effet psychologique, et signifier que ne pas partager a des conséquences négatives pour le réseau. - enfin, la vraie raison, au moins dans le cas d'YGG, est que le ratio permet de mettre en place artificiellement un modèle économique. L'esbrouffe vient du fait que celui qui effectue la mesure du ratio, c'est le tracker. Il ne participe pourtant pas aux échanges, son but est à la base uniquement de mettre en relation les pairs entre eux, mais une fois que c'est fait, le tracker devient inutile et n'a plus rien a voir avec le téléchargement. Le tracker se fie donc à ce que leur raconte les pairs pour obtenir l'information du ratio : d'où triches possible. Cela veut aussi dire que les personnes qui administrent le tracker ont aussi le contrôle sur cette valeur qu'est le ratio. Ils peuvent arbitrairement la baisser, ou la monter. Le ratio est donc le levier par lequel les administrateurs de trackers vont pouvoir racketer leurs usagers, sous couvert d'une règle censée inciter les bonnes pratiques de partage de fichiers. L'opération devient simple : si on lui file du flouze, l'administrateur monte le ratio. C'est bien ce que font YGG, et d'autres trackers majoritaires avant et certainement après lui. Bien sûr, ce flouze finance bien plus que ce qui est nécessaire pour maintenir en route l'infrastructure du site : il n'est pas là juste pour couvrir les frais. Cette relation au pognon biaise pas mal le jeu : l'administrateur du tracker a un intérêt économique, il a donc un intérêt à ce que vous ayiez un ratio difficile à maintenir. Il a donc aussi un intérêt à promouvoir les seedboxes, d'autant qu'il peut nouer des partenariats publicitaires avec eux (tout comme pour les VPNs, qui sont aussi une histoire de sous, puisqu'en pratique les VPNs sont inutiles).
Le ratio est donc un modèle économique qui pénalise les personnes :
- qui ne disposent pas d'une bonne connexion internet (selon les aléas géographiques) - qui n'ont pas envie d'investir trop de temps dans des choses techniques - pour qui l'achat d'une seedbox est dissuasif du fait qu'il augmente le coût de la vie
Les réponses à apporter ne sont pas évidentes, l'une d'elle consiste à privilégier les solutions de partage qui n'utilisent pas le ratio, notamment les trackers publics. Une façon de saboter ce système en faveur de quelque chose de plus juste serait de remettre en partage les contenus récupérés sur des trackers privés sur des sites publics. Un pirate n'admet pas de règle idiote comme l'exclusivité de diffusion, on est pas Canal+ Si vous le faites, essayez de faire en sorte que vos partages ne puissent pas être associés à votre compte d'origine, ce qui peut être compliqué si vous partagez depuis la même adresse IP.
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